C’est l’histoire d’une corrida attendue, très attendue après le grand succès de sa dernière à domicile en 2023, qui s’est finalement conclue dans la cacophonie la plus totale. La cause : la grâce de « Neptune », le cinquième toro d’une course entretenue, mais souvent malmenée par les éléments extérieurs et notamment cette fameuse troisième corne, le vent, qui aura fortement conditionné les échanges.

Six toros de Margé, d’une présentation un poil inégale mais fort digne, enfin ce que l’on attend peu ou prou d’une arène de première catégorie, avec du trapio, enmorillados à l’exception du 4eme, plus fin et du bois. Des toros qui en imposaient par leurs morphologies, relativement investis sous le fer. Une épreuve lors de laquelle les 1,2 et 5 furent les plus prompts, sous divers degrés d’investissement. Dans le dernier tiers, tous furent maniables, développant pêle-mêle de la noblesse, de la bravoure voire de la caste, de la classe dans les embestidas des 3 et 5 et une mansedumbre avérée chez l’ultime, pour des faenas au relief le plus souvent limitées à cause des caprices d’Eole.

Juan Leal débuta avec un « Cronos » enmorillado et haut qui rentra fort dans le matelas les deux fois, bien contenu par Daniel Lopez. Entame arodillada des plus risquée, le vente faisant flotter au plus haut l’etoffe de l’arlésien qui essuya un violent accrochage heureusement sans mal. Les dieux du vent avaient décidé de contrarier l’œuvre muletera face à un toro noble mais un poil limité de forces. Pinchazo dans le haut, puis entière trasera.

Son second « Hermes », haut mais plus fin que ses frères fut anodin au cheval puis après deux bonnes paires de Marco Leal, le torero d’Arles se démarqua par une entame maison par cambiadas serrées depuis le centre, avant poursuite volontaire mais inégale en tracé sur les deux ailes. L’arlésien s’est offert, au forceps, un trasteo décousu en mode combat de coq, dans des terrains toujours compromis au relief artistique évidemment limité mais qui porta sur les travées au point de réclamer vivement l’oreille du Margé malgré une lame dans l’épaule. Le palco a tenu bon, en essuya une bronca et Juan Leal s’en alla pour deux vueltas …

Clémente, auréolé d’un triomphe conséquent à Dax venait sur le plateau de Valras nourri de légitimes ambitions. Son premier fut bien piqué en deux fois par José Maria Diaz puis Thomas Ubeda cloua deux bonnes paires de pallitroques. Muleta en main, malgré un vent des plus violents, le bordelais trouva la distance idoine sur la troisième tanda puis ajusta en musique plusieurs séries droitières soignées. A gauche, le Margé se montra beaucoup plus âpre et l’aquitain écourta la séance sur cette rive. Retour droitier pour quelques muletazos de valeur avant de connaitre un échec répété avec les armes, descabello compris.

Mais c’est devant le quinto que le torero de Pouillon allait décrocher la timbale. Clémente donna le ton de ses ambitions à la cape avant de confier « Neptune » au lancier pour deux rations de fer sans grand relief malgré un deuxième assaut plus lointain. Clemente brinda aux travées et cita l’animal de loin sur les trois premières séries, où le Margé fit admirer la profondeur de ses charges et une faculté impressionnante a humilier. L’aptitude muletera du bordelais, armée de toreria fit rompre ce Margé, important, sur plusieurs séries enlevées, d’une transmission encore plus profonde à gauche, pour un ensemble qui eut toutefois réellement du mal à prendre au-delà de la rampe. Difficile alors ensuite pour une grande partie du public de comprendre et d’entendre une demande de grâce partie, comme souvent du callejon. Clemente allongea la séance, dans le terrain des tablas… et les requêtes montèrent jusqu’à faire céder le balcon présidentiel pour la plus grande joie des requérants. Mouchoir orange tombé dans un charivari inévitable… bien qu’évitable. Ce qui ont eu la chance de voir le grand « Revilla » regagner les Monteilles vivant l’année dernière auront bien du mal à comprendre que « Neptune » qui reste toutefois un grand toro, ait eu droit à la même sentence… Une vuelta al ruedo posthume aurait en revanche était toute légitime. Deux oreilles pour Clemente qui partagea un tour de piste sous une division d’opinions, puis salut de Vincent Chaptal le mayoral de la devise audoise.

Carlos Olsina était attendu par le public de sa ville après le grand triomphe obtenu l’année passée. Le biterrois salua par trois belles véroniques l’arrivée de « Hera », qui pris deux puyazos quelconque avant de se montrer des plus exigeants dans le troisième tiers. Carlos Olsina mis du temps a rentrer dans sa faena avant de trouver le sitio a mi-chemin sur une excellente tanda droitière. Sous l’air de « Chi Mai » du film « Le Professionnel », le torero de Béziers embarqua la charge vibrante et brave du Margé dans plusieurs séquences majoritairement droitières de bon son. Le benjamin de l’affiche s’engagea avec l’épée, logeant une lame très en arrière d’effet rapide. Oreille fortement réclamée.

Carlos Olsina eut ensuite fort à faire avec « Jason », porteur du dossard n°6 et véritable manso, avec une pointe de caste. Le local s’evertua avec douceur à faire charger le fauve avec l’envie d’accrocher une sortie en triomphe au prix d’un investissement total sous les yeux d’un public contrarié par les évènements précédents… Echec à l’épée et gros accrochage au moment de porter un coup de verdugillo, sans conséquences visibles.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Béziers. Plus d’une demi arène. Ciel dégagé, vent violent. 6 toros de Margé

Présidence : Mr Daudé

Poids des toros : 530, 500, 550, 480, 510, 560.

Cavalerie Bonijol. 12 rencontres.

Indulto du toro « Neptune » n°86, sorti en 5eme position, né en mai 2019, castaño de 510 kilos.

Le prix au meilleur picador a été attribué à Jose Maria Diaz de la cuadrilla de Clemente qui a piqué le 2eme toro.

JUAN LEAL (crème à la vanille et or) : saluts et deux vueltas

CLEMENTE (XV de France 2024 et or) : silence après avis et deux oreilles symboliques après avis

CARLOS OLSINA (azur et or) : oreille et silence

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