Rencontré lors d’un tentadero chez Roland et Raphael Durand dans la dernière ligne droite de sa préparation à la corrida de clôture de la Feria du Riz, ce dimanche à Arles, le matador de toros Maxime Solera revient sur les raisons d’une temporada blanche, sa préparation et ses ambitions en vue d’une corrida qui pourrait s’avérer capitale pour la suite de sa carrière….
Bonjour Maxime, tout d’abord comment vas-tu ?
Ça va très bien ! Impatient forcément ! J’ai eu besoin d’un peu de temps pour soigner une blessure au genou mais aujourd’hui tout va très bien. Et donc oui, impatient après plus d’une année sans toréer, et heureux d’être dans une bonne phase de préparation. Tout est positif. Je me sens bien, en forme et motivé à démontrer tout ce que j’ai pu apprendre, assimilé et réfléchi durant tout ce temps.
Ce sera ta première corrida de la saison. Comment abordes-tu cette journée ?
Je l’aborde avec l’idée que cette corrida est une corrida clé pour moi. Dans une saison comme la mienne cette année, sans toréer, c’est clair que s’il ne se passe rien dimanche, il se pourrait que la temporada 2025 soit identique donc je prends ce rendez-vous avec beaucoup de sérieux. Beaucoup d’envie aussi, avec une certaine maturité et l’ambition aussi de démontrer mon évolution.
Après une année et demie sans remettre le costume, ce rendez-vous revêt-il une pression encore plus grande ?
Il y a de la pression, beaucoup de pression. Nous sommes à Arles, une arène de première catégorie avec une corrida de Valverde qui est des plus sérieuses et qui ne sera pas non plus la plus commode. On sait aussi, qu’il y aura un public d’aficionados avertis et exigeants. Et puis, surtout parce que c’est ma seule cartouche cette saison pour pouvoir donner envie aux organisateurs de compter sur moi en 2025. Donc oui, il y a cette pression car il faut que ma carrière se relance, néanmoins fort de mon expérience acquise grâce au tennis et aux toros, j’ai un certain vécu qui devrait me permettre de gérer cette pression-là pour qu’elle se convertisse en quelque chose de positif.
As-tu pu avoir une préparation optimale ?
J’ai très peu toréé tout au long de la temporada, très peu de campo. Donc, dans la dernière ligne droite de cette corrida, j’ai décidé d’un commun accord avec les éleveurs qui ont bien voulu m’aider, et je les en remercie, de concentrer la totalité de ma préparation sur la dernière semaine. Cela est risqué mais me permet de savoir à l’instant T ce dont je suis capable. Avec très peu de temps pour corriger les défauts. Cela me sert à voir mon véritable niveau afin de savoir quelle stratégie je vais devoir utiliser le moment venu.
Ce risque dont tu parles, quel est-il ?
Le risque réside dans le fait que je n’ai pas beaucoup de temps pour évoluer. Tout doit se faire en une semaine. Donc il faut faire les choses le mieux possible, car je n’aurais pas le temps de gommer les imperfections. Véritablement, je n’ai eu que 5 jours pour m’entrainer, mais je ne me plains pas car j’ai toréé tous les jours. Le matin de salon et le soir devant des vaches ou des toros. Grâce à la vidéo, je note mes erreurs et j’essaie de les corriger le lendemain.
Cette longue période éloignée des pistes t’a-t-elle permis de te recentrer et de travailler surtout certains aspects de ta tauromachie ?
Oui car je m’étais dis que si j’avais le temps, donc sans échéances devant moi ce serai le bon moment pour revenir aux fondamentaux de ce qu’est le toreo en essayant de m’épurer, d’éliminer tous les vices que j’ai pu prendre ces dernières années car quand tu torer certain style de corrida tu peux être sur la défensive, avec une énergie différente. Gommer les mauvais automatismes que j’ai pu prendre ou des mauvaises décisions parfois.
Comment expliques-tu que ta première corrida de la saison intervienne en fin de temporada ?
Déjà, il y a un marché qui s’est beaucoup refermé et il y a beaucoup de bons, de très bons toreros et qui en plus de cela s’engage de plus en plus dans ce créneau des corridas dures. Des toreros qui hier n’y allaient pas et qui aujourd’hui acceptent de s’ouvrir à ce marché là. Il peut aussi y avoir des erreurs de la part de certaines empresas de ne pas avoir compté sur moi. Mais je suis quelqu’un de très honnête, entier et je sais voir aussi intrinsèquement ce qui m’incombe. A ce compte le, je reconnais que le niveau que j’ai pu avoir à certains moments lors de la temporada passée n’était pas bon, en tout cas pas en adéquation avec mes attentes. Parfois cela s’est joué à quelques détails, mais qui font une grande différence.
Le mental doit être fondamental pour ne pas perdre espoir…
Le mental y est pour beaucoup, mais c’est surtout la passion. C’est la passion qui nous maintient, parce que l’on aime être devant le toro. Le matin quand je me lève je ne pense qu’à cela. Et puis la discipline. Je savais, en voulant être matador de toros qu’il faudrait une discipline de fer pour surmonter ces moments-là. Et sans avoir de dates, d’échéances, il n’y a pas un jour où je ne me suis pas entrainé, quelque soit la manière. Que ce soit en toréant de salon, physiquement, où même en observant des phases de repos primordiales à un bon entrainement. Il ne faut rien lâcher, car le toro est dur, c’est dur dans les arènes. J’aime à dire que la sueur évite le sang et je m’y attache à travers diverses manières de m’entrainer ou de me nourrir les esprits par des lectures, des conversations, voyager.
Va-t-on voir un Maxime Solera « revanchard » ou « différent » ?
Revanchard non, car cela voudrait dire que j’ai de la rancœur. Et je n’en ai pas car il n’y a rien de plus juste qu’un toro dans l’arène, mais je mets un point d’honneur, depuis toujours, à ce que les aficionados qui viennent me voir notent une évolution, sur une multitude de points, que ce soit artistique, dans la profondeur de ton toreo ou dans ton intelligence devant les toros.
Le triomphe est-il dans ce cas, plus important que le contenu ?
Les deux ! Il faut montrer de la dimension. A condition d’avoir un peu chance aussi, mais le triomphe est important. Après je ne suis pas le style de torero à aller me vendre pour triompher. Je n’irai pas bafouer mes valeurs pour couper des oreilles coûte que coûte. Mais il faut montrer de la dimension, une évolution, que les toros servent ou non.
Être « catalogué » torero de corridas difficiles n’est-il pas parfois préjudiciable ?
Forcément un peu oui. Mais je suis patient, je me dis que tout vient avec le temps. C’est à moi surtout de donner les arguments aux empresas de me programmer, de compter sur moi. Ce qui pourrait m’être préjudiciable en revanche, c’est d’être comparé, à d’autres toreros que ne sont pas alignés ou ne s’alignent pas dans le type de corridas que j’ai eu à affronter. Je crois qu’il faut parfois se focaliser sur le contenu et non sur le nombre d’oreilles coupées. Toréer dans des arènes comme Céret pour ma deuxième corrida, de Raso de Portillo, Cenicientos la troisième avec des Barcial et San Martin, Alès l’année suivante avec des Valverde, ce n’est pas donné à tout le monde et les oreilles ne s’y coupent pas facilement, même pour des toreros chevronnés.
Tu n’as plus d’apoderado depuis la fin de la temporada 2023…
J’espère que quelqu’un m’accompagnera dans les mois qui viennent. L’avenir et la corrida de dimanche pourraient nous le dire. Ça été un mal et un bien. Etre seul, c’est très difficile car tu uses beaucoup d’énergie à appeler les empresas, laissait ton égo un peu de côté. Ce n’est pas évident mais çà fait partie du jeu. D’un autre côté, cela m’a permis d’être agréablement surpris par certaines rencontres que j’ai pu faire à travers toutes ces démarches. Mais a choisir, je préfère être accompagné par quelqu’un de compétent qui m’aiderai a évoluer encore.
Que t’inspire le cartel de cette corrida de « reprise » ?
Les toros de Valverde on les connais, on sait que Jean-Luc Couturier met toute sa passion dans sa manière de mener son élevage, que ce sont des toros qui vont développer beaucoup d’émotions en piste, et que la corrida est sérieuse. Et puis deux compagnons de cartel, qui grâce à l’intelligence de Jean-Baptiste, composeront un cartel international et attractif. Avec aussi un petit clin d’œil à la situation délicate que traverse la tauromachie dans les pays de mes compagnons de cartel, le Venezuela et la Colombie. Mais surtout ce sont deux toreros qui sont en pleine bourre, qui contrairement à moi ont beaucoup toréé, dans des arènes importantes avec de jolis triomphes à la clé. Ça me met la barre très haut et la pression au maximum. Il va falloir être à la hauteur.
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