Un public venu en nombre, festif et enclin à s’enthousiasmer, une terna mixte disposée à triompher et de bons toros… Si en tauromachie, la recette miracle n’existe pas, tous les ingrédients (ou presque) étaient réunis pour faire de cette deuxième corrida du cycle biterrois, un succès.

Une après-midi triomphale sublimée par la rencontre entre « Lobito », un grand toro de Santiago Domecq et la meilleure version d’un Juan Leal qui a trouvé en Béziers, le point culminant d’une temporada 2023, ou parfois le triomphe avait fuit le torero arlésien. Aujourd’hui à Béziers, le diestro français a su se montrer à la hauteur de l’adversaire rêvé, toréant avec profondeur, justesse et cadence, prouvant s’il le fallait que ce garçon peut et sait toréer, lorsque l’opposition s’y prête, dans un registre différent, moins trémendiste, plus méticuleux dans l’exécution de son art et avec cette fondamentale valeur qu’est l’entrega absolue. Cette après-midi Juan Leal l’a démontré ! Ce « Lobito » était un véritable bonbon, prompt, allègre et classe dans sa façon de charger le leurre, doux comme une bêtise de Cambrai une fois embarqué dans l’étoffe, et surtout d’une infinie noblesse. Une noblesse, après entame maison par rodillazos, qui permit au torero français de signer une faena vibrante sur les deux mains, à l’intensité croissante, mettant les travées en surchauffe. Une préférence toute personnelle ira à la belle exécution de plusieurs naturelles de grande note. Adhésion totale du respectable, chauffé à blanc, pétitionnant peu à peu que Lobito retrouve ses verts pâturages. On le voyait venir, ce mouchoir orange… Juan Leal rangé du côté des gradins attendait qu’un signe vienne de plus haut, ce qui inéluctablement ne tarda pas. « Pañuelo naranja » synonyme de grâce présidentielle à laquelle il faut apporter un inévitable mais véritable bémol, si tenté que celui-ci ait encore une signification : un tiers de piques réduit à sa plus simple expression. Deux « rencontres » modernes, sans plus. Mais, rendons à César ce qui lui revient de droit, Lobito était un grand toro, et Juan Leal s’en montra digne.

Le second adversaire de l’arlésien, ne sortait pas du même tonneau. Un animal qui rentra fort (le seul) dans le matelas avec une première franche poussée. Dès l’entame on a craint le pire, Juan Leal se faisant violemment projeter dans les airs par un toro, encasté mais pas bien clair dans ses intentions, entre la caste vive et la mala casta, violent par moments et sournois. Juan Leal afficha un mental à toute épreuve, puisant dans ses ressources pour proposer une faena dans un corte plus « puncheur », toujours sur le fil du rasoir. Estoconazo en toda ley et oreille de poids.

Invité de dernière minute afin de palier l’absence de Daniel Luque, Clémente s’en alla saluer l’arrivée de son premier adversaire a porta gayola pour une larga cambiada sur le fil puis enchainement chicuelinas, véroniques et larga cordobesa. Tercio de varas sans style avant brindis au public d’une faena comprenant quelques bonnes séquences notamment à droite, mais qui ne prit jamais réellement corps, le Santiago Domecq manquant cruellement de pétrole.

L’aquitain brinda son deuxième passage à Robert Margé après un tercio de piques en mode économie d’énergie puis une calamiteuse pose de banderilles. Une faena qui ne fut pas plus simple que la première, le Domecq pêchant par manque de son et de fond, mais durant laquelle Clemente ne ménagea jamais sa peine, trouvant la bonne carburation sur plusieurs mouvements allurés et harmonieusement distillés, sans toutefois que le sort ne veuille vraiment sourire au bordelais. Double pinchazo et grand coup de cruceta.

Léa Vicens s’assura d’emblée une sortie par la Porte Principale des Arènes du Plateau de Valras pour avoir tranché les deux oreilles de son premier, noble et bon Bohorquez. La nîmoise plaça très vite le curseur émotion sur les bonnes ondes, avec plusieurs poursuites sur la jument Cleopatra puis lors de la pose des banderilles, dont une superbe à l’étrier sur Betico. Monte allègre, piaffer et quelques quiebros de grande note sur la croupe de Deseado, notamment dans la pose des courtes avant de conclure d’un rejon jusqu’à la garde, en deux temps.

L’affaire fut tout autre devant son second, qui chercha rapidement le terrain des tablas. La gardoise fit le job, résolue à un labeur plus technique avec une belle démonstration d’hypnose équine montée sur Aladin avant que ne déboule Greco pour les courtes. L’ensemble fut d’émotion décroissante, le Bohorquez se couchant avant que la nîmoise ne loge le rejon final. Légère pétition.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Béziers. Feria d’Aout. ¾ d’arène. 2 toros de Bohorquez (1 et 4) et 4 Santiago Domecq, bien présentés, armés sans excès.

Présidence : Mr Daudé assisté de Mme Rouzier et Mr Blanc

Poids des toros : 500, 525, 480, 530, 520, 520.

Cavalerie Bonijol. 12 rencontres.

Indulto du toro « Lobito » n°32 né en octobre 2018, colorado bragado, de 525 kg, 2e e Santiago Domecq.

Salut du banderillero Mehdi Savalli au 3eme.

LEA VICENS (chaleco noir et plomb) : deux oreilles et saluts

JUAN LEAL (vert bouteille et or) : deux oreilles symboliques et oreille

CLEMENTE (vert imperial) : silence et silence

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