Le 1er octobre dernier, sur les rives du Guadalquivir, une légende du toreo s’en est allée, ce dimanche 15 octobre sur les bords de l’Etang de Berre, une autre est peut-être née…

Car il ne faut pas craindre les mots, quand les actes desquels ils émanent sont si palpables, si vrais, et vous sautent aux yeux comme la confirmation de tant de louanges déjà tressées, entendues et vérifiées ici et là. Marco Perez est un génie du toreo, véritablement, comme il n’en nait qu’un, au mieux, tous les 30 ans. Ce gamin torero, avec cape et muleta, sait tout faire avec quiétude, aplomb, et une facilité qui passerait pour de l’expérience, alors que c’est en fait tout simplement du talent. Un don du ciel. Le voir mener, guider, les hommes qui composent sa cuadrilla avec une invraisemblable poigne était un véritable spectacle d’homme-orchestre. Le voir aspirer et dominer ses adversaires à quatre pattes avec une maitrise telle, une bénédiction. Il ne faut pas en faire de trop avec les enfants prodiges, surtout toreros. Point de trop de louanges, ne pas les voir plus beaux que ce qu’ils ne sont. Mais l’épreuve est difficile devant tant de facultés.

Lorsque je me suis approché, dans le patio de cuadrillas, de ce gamin vêtu de torero, en azurin et or, pour voler quelques clichés, j’ai été happé par une espèce de violence de l’instant. Je ne sais pas si, à ce moment-là, j’ai aimé voir ce môme épais comme un tibia de cigogne, petit, presque chétif, entouré de tous ces adultes, ces crépitements de reflex. Comme la sensation d’observer un enfant a qui l’on demande alors de devenir un homme sans passer par la case adolescence. La gravité du toreo. Son mythe et sa beauté aussi. Et puis à l’heure fatidique des clarines, le doute s’est dissipé. Marco Perez investi le ruedo du Palio avec l’assurance d’un rompu à l’exercice, davantage sûr de son fait que les 3000 âmes qui avaient rempli jusqu’en haut le vaisseau istréen.

Du vent, parfois gênant, un peu de frais, voir de froid à l’ombre et quatre novillos de la famille Gallon venant suppléer les Garcigrande initialement prévus et restés à quai pour problèmes sanitaires. Léger en tamaño le 2, correctement fait pour les trois autres, plus joli le 3, de plus de présence sous le fer et offrant le plus grand jeu, plus discrets au cheval les trois autres. Tous justes de tête.Nobles mais justes de forces et soso les 1 qui manqua aussi de fond et le 2, ce dernier avec une belle pointe de classe, de peu de fond et tardo le 4, meilleur dans tous les compartiments du jeu le 3, noble, brave, vibrant et honoré d’un tour de piste posthume.

L’après-midi débuta timidement, avec peut-être un poil de tension pour le jeune salmantin au moment d’ouvrir la séance devant un animal discret à l’épreuve du fer et qui ensuite, par manque de fond et de parcours ne permit pas de grandes envolées muleteras. Quelques muletazos bien sentis en soignant le geste avant de passer un mauvais moment avec l’estoc.

Libéré, Marco Perez salua le second d’une larga afarolada de rodillas et un capoteo soigné. Pique pour l’anecdote puis brindis au public d’une faena d’intensité croissante, le protégé de Juan Bautista parvenant a installer son toreo rond et profond sur les séquences droitières, de plus d’impact en sollicitant bien les reins avec un sens de la lidia et un sitio à peine croyable. Final en baissant la main, demi-lame et entière. Oreille.

Le nouveau « Petit Mozart » du toreo a pu ensuite donner toute la dimension de sa tauromachie devant le troisième, un excellent novillo de la famille Gallon qui poussa lors d’une unique rencontre avec Jean-Loup Aillet après avoir été admirablement capté dans la cape du salmantin, également impeccable dans la lidia tout au long de l’après-midi. Brindis à Domingo Lopez Chaves qui officiait au micro de One Toro puis faena d’exécution presque parfaite, sans artifices. Du toreo pur et profond, senti et ressenti, dans une muleta maniée avec tranquillité, assurance mais surtout une science du toreo tellement rare. Muletazos de grande note sur les deux mains, de « cartel de toros » car supérieurs à gauche, la meilleure corne du Gallon, mobile et avec de la transmission. Du temple, du ligazon « hasta al final » pour une faena de « cante grande » parachevée par un sublime changement de main. Espadazo en première lame. Double trophée et vuelta en compagnie de Jean-Pierre Gallon.

Loin d’être rassasié, Marco Perez s’en alla attendre la venue de l’ultime a porta gayola, genoux dans le sable pour une larga cambiada de rodillas précédant un énorme capoteo par véroniques. Pique pour le règlement, brindis à Jose Ramon Martin, professeur à l’école taurine de Salamanca et faena sans véritable émotions, galvaudée par le peu de jeu offert par le Gallon, tardo et de peu de fond. Dans le terrain des tablas, Marco Perez régla les aspérités du bicho avec un « oficio » épatant avant de sécher durement avec les instruments.

Il est évidemment trop tôt pour conclure et se projeter sur le devenir d’un gamin, talentueux comme mille, prodigieux de savoir et de recours, arpentant le ruedo avec l’assurance d’un matador de “muchos años” d’alternative. Aujourd’hui, Marco Perez m’en a bouché un coin, vraiment. Demain, nul ne sait de quoi sont avenir sera fait, sur le chemin sinueux et épineux du toreo.

FICHE TECHNIQUE DE LA NOVILLADA

Arènes du Palio, Istres. No hay billetes. Ciel dégagé, vent et fraicheur automnale. 4 novillos de Gallon.

Présidence : Mr. Kehiha assisté de Mr.  Abid et Mr. Raoux.

Cavalerie Bonijol. 4 rencontres

Sobresaliente : Pablo Jaramillo (rouge et or)

Vuelta au 3eme novillo « Despierto » n°21, castaño oscuro.

MARCO PEREZ (azurin et or) : saluts après avis, oreille, deux oreilles et silence après avis.

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