Mis au ban après un début de carrière triomphal, Andy Younes va effectuer son retour dans les ruedos ce dimanche aux Saintes-Maries-de-la-Mer face aux toros de Pedraza de Yeltes. Quasiment trois ans après son dernier paséo de lumière en France, le matador arlésien revient confiant, plus mûr et plus sûr encore avec l’envie dévorante de démontrer son évolution, comme torero, comme homme et promet, comme à son habitude de donner le meilleur de lui-même… Une résurrection au pays de Sainte-Sarah, comme l’explique Andy Younes au cours d’une interview qu’il a eu la gentillesse de m’accorder à quelques heures seulement de son retour dans les ruedos…

Tout d’abord Andy, comment vas-tu ?

Je vais très bien, très heureux, et content. Content de retrouver les pistes, les aficionados mais aussi cette appréhension du toro. Je suis surtout très motivé d’avoir l’opportunité de récolter les fruits de plus de deux ans de travail acharné. J’ai hâte de me retrouver devant le toro.

On parle souvent du poids que représente le fait de remettre le costume.
Après quasiment trois ans y a-t-il une forme d’appréhension ? Quel est ton état d’esprit ?

Très serein. Généralement, lorsque l’on revêt le costume notre personnalité change, et c’est mon cas. Je suis hyper motivé.

As-tu pu préparer cette corrida dans des conditions optimales ?

Je dirais que oui. C’est sûr que cette préparation ne ressemble en rien à celle d’un torero qui a 15 ou 20 corridas de signées dans la temporada mais j’ai beaucoup misé sur mon mental, mon envie. Je sais ce que je veux faire dans une arène. J’ai pu faire quand même pas mal de campo grâce aux ganaderos qui ont joué le jeu. Mais peu de toros, seulement deux ces dernières semaines.

Et quelles ont été les sensations ?

Bonnes, très très positives. J’ai beaucoup profité du peu de campo que j’ai pu avoir et il en résulte que je me sens bien devant les animaux. J’ai hâte de pouvoir m’exprimer devant les toros de Pedraza de Yeltes dimanche.

Istres 2021


Finalement ça été quoi ta vie pendant ces trois ans ? Est ce qu’il y a un moment où tu t’es dit c’est fini ? Pensé à tout plaquer pour te consacrer à autre chose ?

Tout n’a pas été tout blanc c’est vrai, mais pas non plus tout noir. Je dirais que dans mon esprit les choses étaient assez nuancées. Je me suis plutôt résolu à prendre un peu de recul, de temps, quelques mois pour moi, pour me retrouver. Parce que même lorsque tu ne torer pas, tu as cette pression constante. Celle de ne pas toréer bien entendu mais aussi la pression de l’entrainement et de tout ce qu’il y a autour. J’ai voulu me débarrasser un peu de cette pression là pendant quelques mois en me disant que je prendrais une décision en fin d’année. Puis on m’a proposé de toréer le festival en l’honneur de Manolo Vanegas. Et comme cela c’est plutôt très bien passé, la décision a été facile à prendre car cette course ma donné un vrai coup de fouet.

Vauvert 2022

Tu as eu un parcours admirable jusqu’à ton alternative, puis un très grand début en tant que matador de toros. Est-ce que l’enchainement des choses et ce « déclassement » ont engendré une certaine amertume chez toi ?

De voir les autres toréer, et pas toi c’est une sensation très douloureuse, et personnellement je l’ai très mal vécu. Il a fallu l’accepter même si ça été vraiment très difficile. Dès mon début de carrière, j’ai toujours su couper les oreilles mais à partir du moment où j’en ai coupé moins, où pas, peu importe le contenu des faenas que j’ai pu faire, j’ai été en quelque sorte sanctionné en me faisant comprendre que je n’avais plus ma place dans certaines corridas. Aujourd’hui je dirai que j’ai plus de facilité à l’encaisser, car passer par des moments comme ceux-là m’a apporté une certaine sagesse. Et je pense que cela pourra se traduire devant les toros.

Est-ce que l’on récent une certaine distance, mise par les aficionados et les professionnels quand tu passes de la lumière à l’ombre ?

J’ai toujours été assez conscient de cela. J’ai toujours su garder un cercle amical très proche, en essayant de me protéger le plus possible. C’est vrai que, lorsque tu brilles, forcément tu intéresses plus le monde, alors que moi personnellement je ne me sens pas moins intéressant lorsque je ne torer pas… Mais j’ai toujours été très conscient et tranquille par rapport à cela. Cela fait partie du jeu.

Riscle 2021

Aujourd’hui tu es seul, sans apoderado, depuis trois ans, quels ont été tes soutiens, sur qui a tu pu te « reposer » ?

Ma famille et mes amis proches qui pour le coup, eux, n’ont pas fait et ne font de différences entre l’ombre et la lumière. Au contraire, je dirais que je me suis encore plus rapproché de chacun d’entre eux. Mes frères et sœurs notamment. Lorsque je toréais beaucoup je n’étais pas beaucoup à la maison et quelque part on n’a pas grandi comme une fratrie normale. Et ces quelques mois éloignés de mon quotidien de torero nous ont été bénéfiques. Il y aussi Pierre Mailhan qui est mon meilleur ami de toujours et qui a été d’un soutien sans failles. Si je n’ai pas lâché, c’est grâce à eux mais aussi parce que je l’ai décidé.

Trois ans que l’on ne t’a pas vu de lumières, dirais-tu que c’est un Andy différent qui se présentera dimanche ?

Une des choses qui n’a pas changé chez moi, c’est mon envie d’être figura del toreo. Mais j’ai l’impression que oui, je suis un autre Andy. Il y a deux ans, j’ai rencontré les Clauzel, Victor et son papa Alexandre et ce fut une rencontre primordiale pour me remettre d’aplomb. J’avais un peu le cerveau à l’envers et je cherchais des réponses qui n’étaient pas forcément sous mes yeux. Alexandre et Victor font partie des personnes qui m’ont aidé à accepter mon destin et à reprendre les choses dans le bon ordre. J’ai l’impression également que mon « œil tauromachique » c’est affiné donc oui, profondément, je pense que c’est un Andy différent qui sera au paséo de cette corrida dimanche. J’ai retrouvé également ce qui m’animait en tant que novillero avec cette recherche du toreo pur et vertical que j’avais un peu perdu. Je pense très sincèrement que les aficionados vont être surpris de mon évolution.

Récemment tu disais avoir eu un déclic auprès de Victor. Justement quel est ton rôle auprès de lui ?

En fait, cela s’est fait très naturellement. C’était au tout début où je reprenais l’entrainement après une année sans m’entrainer. Nous nous sommes immédiatement très bien entendu et compris car l’on parle le même langage tauromachique. Quelque part, notre rencontre m’a redonné confiance et l’illusion. Car lorsque tu t’entraines sans but, sans échéance à venir c’est moralement parlant une torture. Comme je te disais, c’est une rencontre qui m’a remis d’aplomb. Avec Victor on passe beaucoup de temps ensemble à s’entrainer, je me retrouve un peu en lui. Et même si j’ai, fondamentalement beaucoup plus d’expérience, j’apprends beaucoup de lui. Souvent les toros te donnent des relations à part et celle que j’entretiens avec Victor et son père en est une.

Arles 2019

Avant les Saintes, est-ce que d’autres opportunités se sont présentées ? Est-ce que tu as fait savoir ton envie de retrouver les pistes ?

Effectivement, je me suis manifesté dans quelques arènes où j’estimais avoir la légitimité de pouvoir le faire, mais sans succès. A côté de ça, on m’a proposé 2 ou 3 corridas, mais qui ne correspondaient pas, en tout cas à ce moment-là, à ce dont j’avais besoin pour un retour. Dans mon esprit, je me disais que l’on me devait une opportunité dans de bonnes conditions, mais que cette opportunité serait la seule. Dire non à une corrida quand tu n’as rien çà peut paraitre être un suicide professionnel, mais dire oui en sachant que ce n’est pas ce dont tu as besoin l’est aussi quelque part. J’avais besoin de quelques garanties, et je pense que cette corrida de Pedraza de Yeltes est parfaite pour un retour. C’est un élevage réputé toriste, avec des toros assez grands et qui plaisent aux aficionados. Tous ce que je vais faire cette après-midi-là, face à ces toros revêtira une grande importance.

As-tu des touches concernant un éventuel apoderado ? Est-ce qu’un triomphe aux Saintes conditionnerait réellement ton futur ?

Il y a triomphe et triomphe. Tu peux triompher en coupant 4 oreilles et que personne ne se souvienne de ce que tu as fait. Tu peux aussi tout simplement impacter sans forcément couper les oreilles. Moi, je dirais que je suis plutôt dans cette optique de marquer les esprits. Je vais me jouer la vie parce que je veux qu’il se passe quelque chose. Après on ne sais pas, si un apoderado est présent, où vois une vidéo et qu’il en tombe amoureux de moi çà peut aller très vite. Quoi qu’il en soit, si quelque chose arrive, cela en découlera de cette après-midi-là. Mais ce n’est pas mon objectif premier. Aujourd’hui j’ai envie de vivre heure par heure, toro par toro. Je suis focalisé à être bien avec ces deux toros, très concentré car ce ne sera pas une après-midi facile. Se remettre devant deux toros, enfiler le costume après de si long mois sans avoir pu le porter, la chaleur…

Nîmes 2019


Le Pérou a longtemps été une bouée de sauvetage. Est-ce que c’est encore un marché sur lequel tu mise ?

Idéalement j’aimerais retrouver une place dans les arènes françaises et espagnoles. Mais le Pérou a été un pays qui m’a énormément aidé parce que les années où je n’ai pas beaucoup toréé, le Pérou m’a surtout aidé à rester stable d’un point de vue financier, il ne faut pas se mentir. Le Pérou m’a permis de pouvoir porter le costume et me mettre devant les toros, d’exister et pouvoir faire des temporadas de 7 ou 8 corridas. Mais aujourd’hui je suis focus sur cette corrida de dimanche car je crois sincèrement que l’on pourra me redonner ma chance ensuite. Je pense que cette corrida pourrait donner une autre image de moi, l’image d’un garçon qui a les idées claires et qui a beaucoup progressé.

Que voudrais tu dire aux aficionados ? Un message à transmettre…

J’aimerais dire aux aficionados qui veulent voir quelqu’un qui n’a pas toréé pendant des années de venir aux Saintes ! Ce retour, a un peu d’une certaine manière une connotation religieuse car intérieurement je vis ce retour comme une résurrection. Je ne réalise pas vraiment encore que j’y suis. Mais dimanche, comme toujours, comme je l’ai toujours fait, je vais tout donner ! Et je pense que les aficionados verront un torero nouveau, différent, plus posé et surtout, je l’espère en toréant mieux que jamais !

SUERTE ANDY !

Share This