La Feria d’Istres 2023 s’est poursuivie ce samedi avec une corrida qui a de quoi satisfaire Bernard Marsella et son équipe, grâce notamment à un lot de toro très intéressant du fer de Jandilla qui aura permis la sortie en triomphe, par la Grande Porte du Palio de Miguel Angel Perera et Clémente, chacun dépossédant son second adversaire de ses deux oreilles.
Arène quasiment pleine à l’heure des clarines, grand soleil, un peu d’air bienvenu et surtout paséo A L’HEURE ! Celui-ci ponctué d’une minute de silence en la memoire d’Ivan Fandiño, six ans après sa disparition tragique dans les arènes d’Aire-sur-l’Adour.
Six toros de Jandilla, bien présentés, sans excès de cornamenta mais bien roulés qui ont fait honneur à leur devise… dans le dernier tiers. Froids à leur arrivée en piste et discrets, voir très discrets sous le fer, exception faite au 3eme qui mis un peu plus d’entrain dans l’exercice ainsi que le 5eme, celui-ci mal piqué. D’une noblesse infinie le 4eme, primé d’une vuelta contestable, bons et nobles les 5 et 6, maniable le 1er, compliqué le 2eme et de peu de classe le 3eme.
Après 19 ans d’alternative, rangé des hautes sphères de l’escalafon, Miguel Angel Perera se présentait au Palio en véritable figura del toreo, animé par l’envie du débutant. Celle de bien faire, d’impacter et d’apposer sa patte, aussi ferme qu’elle put être de velours. Le torero de Badajoz débuta devant un cornupède abanto de salida, monopiqué, doté d’une bonne corne gauche que le vétéran de l’affiche capta à merveille dans les plis de sa muleta pour plusieurs échanges bien ficelés. A droite l’animal tourne court, Perera aguante jusqu’à faire rompre le Jandilla. Final par bernardinas et énorme tanda en redondo avant que l’épée, résultant basse et d’effet tardif ne vienne ôté un trophée.
Frein à main tiré de toutes ses forces à sa sortie, puis absent des débats sous le fer, le cuarto changea radicalement entre les mains de Perera. En tauromachie, on place souvent le curseur chance chez les toreros héritant dans le tirage d’un bon adversaire, mais la règle s’applique aussi à l’inverse. A savoir aussi, que parfois, les toros ont la chance de tomber sur le guide idéal. Ce qui fut le cas du nommé « Habilitado », caressé, choyé par la muleta envoutante de l’extremeño œuvrant 10 minutes tel un dompteur. Entame de faena par cambios d’une maitrise juste parfaite, puis au son de « Caridad del Guadalquivir », Perera profitant à fond de la noblesse inouïe du Jandilla pour trouver profondeur et cadence sur les deux mains puis dans un pouce de terrain, « ojedisme » en démonstration. Pléthorique Perera « de principio a fin » avant coup de canon, légèrement tombé faisant vasciller le fauve. Deux oreilles, incontestable et vuelta au bicho, celle-ci plus discutable sans qu’elle ne soit pour autant dérangeante.
Juan Leal hérita d’un premier adversaire qui ne permit guère d’envolée à la cape avant de se montrer, comme ses frères, discrets à l’épreuve du fer. Face au toro le moins agréable en tout de la bande, mais doté d’une certaine dose de bravoure et de rythme, le torero d’Arles après une belle entame par statuaires opta vite pour la courte distance. Devant un Jandilla qui cherchait la sortie, Juan Leal tenta de toucher par son toreo de proximité, clivant mais ô combien honorable. Ensemble haché à la grosse lame avant conclusion délicate épée en main.
Le quinto qui sortait d’un meilleur tonneau fut tout aussi froid que ses frères à son arrivée en piste, puis mal piqué en monoration. Brillant Marco Leal avec les pallitroques puis brindis au public par Juan Leal qui débuta son œuvre par cambiadas de rodillas. L’arlésien signa trois tandas de bon son sur la droite, profitant de la bonne charge du bicho, protestant d’avantage sur la corne gauche. D’un point de vue strictement personnel, j’aurais voulu voir le diestro français poursuivre sur cette voie plutôt que de raccourcir une nouvelle fois les distances. Un exercice qui – et cela m’est encore une fois personnel – ne m’émeut désormais moins, mais ô combien méritoire car fait avec un cœur gros comme ça ! Epée en main, Juan Leal rentre fort et droit, pese a lo que pese, pour un double échec faisant s’envoler les oreilles du Jandilla. Otra vez sera.
Un qui fera faire des kilomètres à beaucoup d’aficionados, et moi le premier, c’est Clemente ! J’avoue avoir un faible pour le toreo d’inspiration, artistique et très personnel du bordelais et avoir été ravi ce samedi d’avoir vu que j’étais venu voir. Bien à la cape devant le 3eme, bien capté par « Puchano » sur la seule franche poussée de la tarde. Bonne entame par doblones devant un animal encasté mais manquant de classe, conduit avec beaucoup de classe et de profondeur. Toreo de rondeur sur les deux mains, pour une faena au profil supérieur sur la corne gauche. Final en torero en se ployant puis luquecinas sur le fil sous les yeux de son créateur présent dans les coursives avant échec successif avec les armes faisant voler en éclats tout espoir de trophées.
Devant l’exigeant sixième, sorti seul de son unique rencontre avec le lancier de service, le torero bordelais signa, pour moi, la faena la plus complète de la soirée. Ce Clemente là m’a beaucoup plus, car ce garçon possède ce petit quelque chose de plus qu’on les artistes, capables de se renouveler et d’inventer quelque chose de différent sur chaque tanda, sans jamais perdre le fil de l’histoire. Créatif, entregado et capable d’aguanter le peu de mauvaises manières du Jandilla, Clemente a su distiller à l’envie plusieurs séquences parfumées sur les deux mains, de grand son furent les muletazos droitiers. Final inspiré, par ayudados de rodillas avant lame fulminante bien que légèrement tombée faisant rompre le Jandilla et bondir le Palio. Deux oreilles incontestables.
FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA
Arènes du Palio, Istres. Quasi plein. Grand soleil, vent léger. 6 toros de Jandilla.
Présidence : Mr Buttet assisté de MM Raoux et Faure.
Poids des toros : 540, 526, 527, 516, 523, 512.
Cavalerie Bonijol. 6 rencontres.
Vuelta au 4eme « Habilitado » n°105 de 516 kilos
Saluts des banderilleros Javier Ambel au 4eme et Marco Leal au 5eme.
Miguel Angel Perera se présentait pour la première fois au Palio.
MIGUEL ANGEL PERERA (sang de toro et or) : saluts et deux oreilles
JUAN LEAL (epicea et or) : saluts après avis et silence après avis
CLEMENTE (basilic et or) : saluts et deux oreilles
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